Histoire du Bitscherland avant 1870

Le Bitscherland, région aujourd'hui excentrée et loin des axes majeurs de communication, possède pourtant une histoire très riche, du fait de sa position stratégique, aux marches des deux grandes puissances que sont l'Allemagne et de la France. La région possède également un riche patrimoine civil et religieux. L'histoire de la ville de Bitche et du Bitscherland, véritable enjeu militaire, est indissociable de celle de leur forteresse imprenable ; elle présente des particularités qui lui sont propres.

Préhistoire et Celtes

Les témoignages archéologiques sont particulièrement signifiants à partir du néolithique et ce jusqu'à l'époque gallo-romaine. Pour les époques antérieures, seule la découverte d'une station de surface à Kalhausen, datant de l'époque mésolithique, témoigne d'une occupation plus ancienne. Le néolithique, connu par des sites à Rimling, Haspelschiedt et Walschbronn, est surtout illustré par des polissoirs (rochers entaillés par le frottement des outils) situés sur la frange orientale, dans les communes situées entre Baerenthal et Roppeviller. Apparus dès cette époque, ils semblent être encore utilisés aux périodes suivantes. L'âge du bronze et à un moindre degré l'âge du fer, sont représentés par quelques trouvailles isolées et des sépultures sous tumulus, mises au jour essentiellement dans la partie occidentale de la région.

Le polissoir préhistorique de Haspelschiedt. Le polissoir de l'Igelsberg à Eguelshardt date de l'époque préhistorique. Le rocher de Diane ou Dianabild à Roppeviller.

Vers le premier millénaire avant Jésus-Christ, les Celtes arrivent du Sud de l’actuelle Allemagne et après avoir traversé le Rhin, s’installent dans le pays de Bitche. Ils arrivent facilement à s’imposer car ils connaissent la technique du travail du fer, ce qui révolutionne la vie dans la région. Les Celtes métrisant le travail des métaux, permettant à la fois de fabriquer des outils pour de paisibles paysans, mais aussi des armes pour des hommes plus belliqueux, il se développe rapidement une nouvelle caste à côté de celle des paysans, destinée à les  protéger, mais qui les dominera finalement ses protégés. Bien que d’humeur assez guerrière, les Celtes ne sont pas des barbares et ils ont développé une civilisation assez florissante. Les armes et les outils finement ouvragés, datant de cette période, en témoignent. La religion n’est certes pas étrangère à cette évolution puisque les druides, à la fois sages et savants, jouissent d’un respect unanime. Cependant, d’incessantes rivalités tribales finirent par affaiblir les Celtes qui, malgré les efforts de Vercingétorix pour unir ce peuple face au danger de l’envahisseur romain, finissent par tomber sous le joug de ce dernier, mieux équipé et surtout plus discipliné, après l’issue fatale de la bataille d’Alésia en 52 avant Jésus-Christ. 

Période gallo-romaine

À l'époque gallo-romaine, alors que le pays de Bitche appartient à la cité des Médiomatriques, en Gaule belgique, à la frontière de la Germanie et des Triboques d'Alsace, les indices d'occupation se multiplient. Des villas rurales (cent dix recensés par la Société d'Histoire et d'Archéologie de Bitche) s'implantent essentiellement en pays découvert, leur chiffre pouvant s'élever à une douzaine comme à Bettviller. Leur répartition apparaît plus dense dans le canton de Volmunster et dans la partie occidentale du canton de Rohrbach-lès-Bitche. Dans la partie orientale du pays, les prospections s'avèrent plus difficles en raison du relief accidenté et du couvert forestier. C'est pourtant ici qu'ont été sculptés les célèbres rochers de Lemberg et de Roppeviller, représentant des dieux et des déesses du Panthéon romain (Diane, Mars, Hercule, Sylvain) mais surtout gaulois (Nantosvelta, déesse de la forêt et des sources). D'autres témoignages cultuels existent dans la région : Junon à Weidesheim et peut-être à Sturzelbronn, Mercure à Bitche, Enchenberg, Epping et Haspelschiedt, Rosmerta à Bitche.

Les habitants du Bitscherland, comme ceux du reste de la Gaule, finissent par accepter la domination des Romains et leur nouveau mode de vie. La Pax romana entraîne un bouleversement total de la société gauloise, tant sur le plan politique que sur le plan social et économique. L’administration du territoire est confiée à des fonctionnaires civils et militaires qui finirent par contenir les combats tribaux, plaie de la période précédente. On développa les axes routiers qui facilitent les déplacements de l’armée, mais aussi le commerce en favorisant les échanges. L’adoption du mode de construction des Romains transforme également le mode de vie des Gallo-romains. À la période romaine succède une occupation à l'époque mérovingienne, peu dense et limitée à quelques localités du pays découvert (Bettviller, Rimling et Altheim, aujourd'hui en Sarre).

Dans la forêt de Lemberg, le rocher sculpté du Dreibirrefels représente la déesse Nantosvelta et un autre dieu gaulois. Le rocher sculpté du Pompöserbronn ou source Saint-Hubert, lui aussi situé près du village de Lemberg, représente les dieux Diane et Sylvain. Les vestiges d'une voie gallo-romaine sont encore visibles près du village de Roppeviller, ou encore de celui de Walschbronn.

Cette période de relative paix dura environ trois cents ans, jusqu'à ce qu'au milieu de IIIe siècle, des hordes barbares venues d'Allemagne, les Francs et les Alamans, viennent troubler cette quiétude, profitant de la fragilité de la surveillance des légions romaines dont les mœurs militaires se sont quelque peu relâchées. Ces bandes, peu organisées, mais fortement déterminées, mettrent la région à feu et à sang. Cette période de troubles intenses, avec des périodes de latence, s’étale sur plus d’un siècle et amène une régression économique et sociale dans la région avec une vie qui retourna pratiquement à l’état sauvage. La christianisation, particulièrement tardive, semble avoir été diffusée par l'abbaye bénédictine de Hornbach fondée au VIIIe siècle par saint Pirmin. 

Le Moyen Âge

En 843 eut lieu le traité de Verdun, durant lequel les petits-fils de Charlemagne se partagèrent son immense empire. Charles le Chauve reçoit la partie occidentale, Louis le Germanique, la partie orientale et Lothaire, quant à lui se voit attribuer une bande centrale allant de la Mer du Nord à l’Italie. C’est ainsi du nom de Lothaire qu'est tiré le nom de Lotharingie, pour désigner ce territoire d’où naîtront plus tard les noms de Lothringen en allemand et Lorraine en français. Cette position centrale est malgré tout peu enviable, Charles et Louis ayant fréquemment des différents, ils passent forcément sur le territoire de Lothaire pour les régler. Le Bitscherland, se trouvant sur un passage stratégique, doit souvent être mis à contribution par l’un ou l’autre de ces belligérants, quand ce n'est pas les deux en même temps.

La première mention du nom de Bitis se trouve dans une lettre datée du milieu de XIIe siècle et dans laquelle le duc de Lorraine Matthieu Ier demande au comte de Sarrewerden de respecter les limites ainsi que les habitants de sa seigneurie. Dans cette lettre, écrite en lettres gothiques mais en latin, les limites de cette seigneurie sont parfaitement établies. Dès 1170, un Bitis Castrum (château de Bitche) apparaît dans un document où Frédéric Ier se dénomme lui-même Dominus de Bites, seigneur de Bitche. Il est plus probable que ce Bitis castrum soit un pavillon de chasse, situé dans la proche forêt de Lemberg (1). Il semble qu’à la même époque, sans qu’il soit possible de dater l’événement, un autre pavillon est construit sur le Schlossberg à l’emplacement de l’actuelle citadelle. L’intérêt stratégique de ce promontoire, avec vision panoramique sur plusieurs vallées, n’a pu échapper aux seigneurs de l’époque.

La seigneurie de Bitche faisant partie du duché de Lorraine, elle est souvent donnée comme seigneurie personnelle au fils aîné du duc. Au XIIIe siècle, la seigneurie de Bitche est le seul territoire du duc de Lorraine à se trouver dans le domaine linguistique allemand et du fait du morcellement des possessions des comtes de Zweibrücken, elle se trouve géographiquement isolée. Le comte Eberhard II de Zweibrücken propose alors un accord d’échange au duc de Lorraine. Cette transaction se fait par deux traités , datant des 13 mai 1297 et 1er juillet 1302.

Gravure du château de Bitche durant le Moyen-Âge. Les vestiges de l'influente abbaye cistercienne de Sturzelbronn, fondée en 1135 grâce à l'aide du duc Simon de Lorraine. Une autre représentation de la forteresse bitchoise durant la période médiévale.

Édifié dès le XIIe siècle par les ducs de Lorraine, conscients du rôle stratégique de ce site, peut-être même par Simon Ier (1127-1139), le château échoit ainsi en 1297 au comte de Deux-Ponts. Après la construction du château, qui prend au fil des siècles de l'importance du fait d'être retenu comme résidence des comtes de Zweibrücken-Bitche, trois agglomérations d'inégale importance se forment à ses pieds. La première, appelée Vorgeburg, appelée plus tard le faubourg, et formée d'une maison-forte avec quelques dépendances, se trouve dans la partie sud-ouest du glacis. La deuxième, un petit hameau du nom de Rohr (roseau, allusion au sol marécageux de l'époque) se situe à l'emplacement de l'actuelle rue Saint-Sébastien. Regroupant essentiellement des manœuvres, elle n'arrivera pas à se développer.

Il en est tout autrement de la troisième agglomération qui s'appele Kaltenhausen (maisons froides). Implantée en contrebas du château, sur la rive droite de la Horn et d'un important étang, elle s'étend de l'actuelle porte de Strasbourg jusqu'au début de l'actuelle rue du Maréchal-Foch, près de la gare actuelle. Entourée très tôt d'une muraille, percée de deux portes, elle attire de nombreux commerçants et artisans qui apprécient cette sécurité recherchée durant les périodes troubles du Moyen Âge. Mais cette protection présente l'inconvénient d'empêcher toute extension du bourg et oblige ses habitants à utiliser le moindre mètre carré. Le tracé des ruelles, l'étroitesse de certaines maisons trahissent les difficultés que rencontrent les petites cités fortifiées. Les habitants de ces trois hameaux vont à l’église de Schorbach, village bien plus ancien et dont l’église Saint-Rémi est construite en 1143, sur les directives des moines cisterciens de Sturzelbronn.

Le comte Eberhard II de Zweibrücken épouse en 1309 Agnès, comtesse de Bitche, fille de Thibaud II et prend le titre de comte de Zweibrücken et seigneur de Bitche. Après l’avoir transformé, il fait du château de Bitche, sa résidence principale. Le début du XIVe siècle marque les prémices d’une longue période de malheurs pour Bitche et sa région. En 1305, un incendie ravage le hameau de Kaltenhausen et de 1315 à 1317, une grande famine sévit en Lorraine et au pays de Bitche. Quelques années plus tard, en 1337, débute la guerre de Cent Ans, qui oppose jusqu’en 1453 la France à l’Angleterre et dans laquelle le Bitscherland n'est pas épargné. En 1348 vient s’ajouter une épidémie de peste noire à la longue liste des maux dont souffre déjà la région. La guerre de Cent Ans offre certes des périodes de répit entre les combats, mais les soldats qui ne sont pas payés en temps de paix, vivent dans le pays et se servent largement.

La bataille contre les Rustauds (gravure de Gabriel Salmon illustrant le livre de Nicolas Volcyre de Sérouville en 1526). Carte de l'ancien baillage de Bitche. L'église Saint-Rémi de Schorbach, édifiée au XIIe siècle, constitue jusqu'au XVIIIe siècle la paroisse-mère de toute la région de Bitche.

De plus, les comtes de Bitche n’étant pas toujours des anges, leur comportement parfois très violent nécessite l’intervention du Prince électeur du Palatinat Ruprecht pour neutraliser les comtes Simon II et Hanemann Ier de Bitche. En 1387, un incendie ravage une seconde fois le hameau de Kaltenhausen, puis une nouvelle épidémie de peste vient endeuiller la Lorraine de 1411 à 1439. Enfin, les continuelles querelles des seigneurs de Bitche les obligent à s’endetter et ils s’attirent les inimitiés de leurs voisins. En mars 1447, le château de Bitche est attaqué sans préavis, et pris par les comtes Jacob et Wilhelm de Lutzelstein (aujourd'hui la Petite-Pierre). Le comte Friedrich de Bitche parvient à s’enfuir mais ses enfants sont gardés en otage. Cette action, contraire à toutes les règles de la chevalerie, soulève la réprobation générale et une forte coalition s’en vient pour s'en prendre aux Lutzelstein. Durant cette action, le hameau de Kaltenhausen connaît un troisième incendie, mais le comte de Bitche décide de le faire reconstruire et il tient parole. La lignée des Lutzelstein que cette aventure n’a pas grandie s’éteint définitivement en 1452.

Durant le premier quart du XVIe siècle, les paysans voulant obtenir les mêmes avantages que les citadins se révoltent et c’est ce qui sera appelé la guerre des Rustauds. Dans le Bitscherland, le révolte est menée par un certain Hans Zoller de Rimling. S’attaquant aux châteaux de la région qu’ils incendient, ils ravagent également l’abbaye de Sturzelbronn. Les nobles, mieux organisés et possédant une armée de métier répriment cette révolte dans le sang. À Saverne, dix-sept mille d’entre eux sont massacrés, sans compter les nombreux procès qui se terminent par des condamnations capitales et obligations de réparer. Finalement, le noblesse voit son pouvoir renforcé à la sortie de cette révolte. C’est à cette époque également que le protestantisme fait son apparition, profitant du développement de l’imprimerie pour se répandre en Europe. 

La seigneurie devient lorraine

Jusqu’au début du XVIe siècle, la seigneurie de Bitche dépend en définitive du Saint-Empire romain germanique. Lorsque le comte Reinhard de Bitche meurt en 1531, ses deux fils se partagent son domaine. Mais bien vite, ils se brouillent et se querellent si bien que le duc de Lorraine commence à avoir des visées sur la seigneurie. En fin de compte, Amélie de Bitche, fille de feu Simon Wecker et épouse de Philippe de Limange, vend la terre de Bitche au duc de Lorraine Charles II pour la somme de 50.000 écus. Il semble pourtant que les choses ne se sont pas passées très facilement, puisqu’en 1563 le comte Jacob de Bitche rachète les maisons en bas du promontoire rocheux, les fait raser et construit des remparts afin de se protéger des ducs de Lorraine auxquels il ne veut pas payer les aides. Jacob meurt en 1570 sans laisser de descendants directs ; il était le dernier comte de Zweibrücken–Bitche.

Philippe V de Hanau-Lichtenberg réclame alors l’héritage de son beau-père Jacob et le duc de Lorraine le lui reconnaît. Cependant, le nouveau seigneur, protestant, veut imposer cette religion à ses sujets selon la règle qui voulant à l’époque que l’on épouse la religion du souverain. Il y met tant de vigueur, allant jusqu’à emprisonner le supérieur de l’abbaye cistercienne de Sturzelbronn. Le duc de Lorraine le convoque alors devant les assises de Nancy, mais Philippe refuse de s’y rendre et est déclaré félon. Le duc de Lorraine fait assiéger Bitche en 1572 et au bout de quelques jours, le château se rend, tandis que Philippe parvient à s’enfuir. Les troupes du duc de Lorraine prennent même dans la foulée le château de Lemberg, dans le Palatinat, ainsi que les villages environnants, obligeant la population à prêter serment au duc. Ainsi, cet épisode contribue à confirmer l’autorité du duc de Lorraine sur la région de Bitche.

La gravure du château de Bitche au XVIIe siècle par de la Poincte.

La religion catholique, interdite par Philippe V, est rétablie dès 1572 et, alors que les guerres de religion font rage dans d’autres régions en cette fin du XVIe siècle, elles semblent avoir épargné le pays de Bitche. Mais l’intolérance religieuse et le fanatisme qui règnent à l’état endémique engendrent en partie un autre fléau : la sorcellerie et les procès qui l’accompagnent. Bitche et sa région n’y échappa pas et personne n’est à l’abri d’une dénonciation. Une fois entre les mains de la haute justice, les accusés n’ont que peu de chances d’en sortir indemne, les tortures infligées pouvant faire avouer les crimes les plus horribles. Hommes ou femmes peuvent être soumis à la question et plus d’un a prétendu avoir commis, notamment avec le Diable, des actes dont il ne soupçonnait même pas l’existence. En 1588, pas moins de quinze personnes sont brûlées à Bitche pour sorcellerie et contact avec le Malin.

Certes, Kaltenhausen ne peut échapper à la sauvagerie des Suédois, qui, dépités de n'avoir pu s'emparer du château, le réduisent en cendres lors de la guerre de Trente Ans (1618-1648). Rohr doit d'ailleurs subir le même sort. La reconstruction, qui durera des décennies, est constamment interrompue par les incessants conflits franco-lorrains qui ravagent la région. À l'issue de la seconde occupation de la Lorraine par la France, la place de Bitche, dont la jouissance est restée jusqu'en 1675 à Henri de Vaudémont, fils naturel du duc de Lorraine Charles IV, est occupée à partir de 1679 par le maréchal d'Humières.

Les travaux de Vauban

Tous ces malheurs prennent fin avec la réunion de la ville de Bitche à la France en 1680. C'est cette année-là que Thomas de Chois, commandant de la place de Thionville, rédige à la demande de Vauban un rapport sur l'intérêt stratégique du lieu : une situation de carrefour à proximité du Palatinat, de l'Alsace, de la Lorraine, des Trois-Evêchés et même de la Champagne, à mi-chemin entre Moselle et Rhin ; les possibilités d'en faire un dépôt de fourrages et de munitions ; enfin, du point de vue défensif, la protection de la Lorraine et de la Basse-Alsace, avantages à nouveau mis en exergue par le maréchal de Belle-Isle en 1739. La fortification de la citadelle est donc décidée par Louis XIV et confiée à Vauban. Celui-ci fait entourer Kaltenhausen et Rohr d'une enceinte bastionnée qu'il adosse à la forteresse créant ainsi une véritable place forte qui prend le nom de Bitche. Kaltenhausen et Rohr disparaissent de l'appellation officielle, tandis que l'agglomération de Vorgeburg tombe sous le pic des démolisseurs.

Le maréchal de Vauban est chargé par Louis XIV de fortifier le château de Bitche et d'entourer la place d'une enceinte bastionnée, dont subsiste encore la porte de Strasbourg. La ville et le château de Bitche sur la carte de Cassini, établie au XVIIIe siècle. Fortement impressionné par l'importance stratégique du site, Turenne finit par convaincre Louis XIV de fortifier ce point et en 1679, le roi charge de ce travail l'ingénieur Vauban.

Le nouveau complexe ainsi constitué présente l'avantage d'offrir un espace permettant à la ville de se développer. De nombreux immigrés de langue française, profitant des facilités accordées par le Conseil d'État de Louis XIV en 1686 aux nouveaux venus (exemption générale d'impôts pendant dix ans, fourniture gratuite du bois de charpente), viennent se fixer à Bitche. À l'initiative du ministre de la guerre Louvois, une église est construite à partir de 1683 sur le fonds extraordinaire des guerres, afin d'éviter à ces nouveaux paroissiens de se rendre à l'église-mère de Schorbach.

Démolition des fortifications de Vauban

Ce flux d'immigration est stoppé par le traité de Ryswick, signé en 1697, les troupes françaises quittant Bitche l'année suivante. La paix de Ryswick oblige la France à rétrocéder la Lorraine à son propriétaire légitime, le duc Léopold Ier de Lorraine. Ils restituent la place, mais après avoir rasé les fortifications de la ville et du château. Pendant la guerre de la succession d'Espagne, les soldats français occupent à nouveau la ville, entre 1705 et 1714, fortifiant provisoirement la citadelle avec « des ouvrages de terre fascinnés et palissadés ».

Mais des Tyroliens, des Suisses, des Wurtembergeois, des Luxembourgeois prennent la relève de l'immigration dans la région. Les vides entre les constructions se comblent de sorte que la rue principale, d'un seul tenant, traverse la ville d'ouest en est, en forme de demi-lune, allant de la porte de Strasbourg jusqu'à l'actuelle rue du Bastion. Manifestement, le noyau le plus ancien se situe autour de l'église paroissiale, les contraintes topographiques ayant tout naturellement déterminé au pied de la citadelle un urbanisme annulaire, qui a débuté dans la partie nord. Par la suite, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle mais surtout au XIXe siècle, l'habitat se développe le long d'axes perpendiculaires qui correspondent, pour la plupart, aux grandes voies de circulation convergeant vers le coeur de la ville, débordant le tracé de l'ancienne enceinte urbaine.

L'hôpital militaire de la place de Bitche, l'actuel bâtiment Rocca, est édifié à partir de 1745, preuve de l'extension de la ville hors de ses frontières et de sa prospérité. Le duc Stanislas Leszczynski (1677-1766). Une école d'enseignement secondaire pour garçons est ouverte à Bitche dès 1731 par les Pères Augustins, institution qui se perpétue jusqu'à aujourd'hui avec le collège Saint-Augustin.

Bitche sous le règne de Stanislas Leszczinski

En 1737, au lendemain du traité de Vienne, Stanislas prend possession des duchés de Bar et de Lorraine, le royaume de France se réservant toutefois le droit de fortifier les places de Lorraine, dont Bitche apparaît comme l'une des plus intéressantes. Le maréchal de Belle-Isle, gouverneur des Trois-Évêchés, décide aussitôt la remise en état de la fortification, ce qui sera fait entre 1741 et 1754, sous la direction du gouverneur de la place, le comte de Bombelles, figure providentielle pour la cité. C'est à lui aussi que l'on doit l'idée ambitieuse de créer une ville neuve, à laquelle Stanislas aurait donné son nom, puisqu'il proposait de la nommer Stanislasstadt. Un projet établi par Cormontaigne en 1744, mais resté sans suite.

Lorsque les Français reviennent à Bitche en 1738 pour refortifier la cité, une nouvelle étape est franchie. La ville s'étend de plus en plus vers le nord-est et voit s'édifier en son sein des maisons bourgeoises et des hôtels, signe d'une prospérité certaine, ainsi que des bâtiments militaires, comme l'hôpital, actuel bâtiment Rocca transformé en médiathèque, et des casernes, qui seront détruites après 1945. C'est à cette époque que les Augustins ouvrent à Bitche le premier collège d'enseignement secondaire d'où sortiront par la suite une forte proportion des notables de la Lorraine germanophone.

Bitche avant la Révolution française

La construction de l'église paroissiale Sainte-Catherine en 1774-1775 est pour Bitche un évènement marquant. La nouvelle église, très spacieuse, remplace une petite chapelle datant de 1683 et devenue trop exiguë. Elle est aussi déclarée église-mère, au détriment de celle de Schorbach, dont Kaltenhausen et Rohr ne sont durant des siècles que de simples annexes sans desservant. Un immeuble datant de la même époque est l'actuel hôtel de ville. Cette construction imposante, dégagée des maisons qui l'entouraient jadis, plusieurs fois judicieusement restaurée, constitue une vitrine avantageuse pour la cité.

L'église Sainte-Catherine de Bitche, construite en 1774-1775, ainsi que le mur d'enceinte de la place. Carte postale de 1900 représentant la cité bitchoise et la forteresse vers 1800. Le fort Saint-Sébastien est construit vers 1850 pour compléter le système défensif de la place de Bitche.

Bitche au XIXe siècle

La ville de Bitche, étant classée place forte de première classe en 1850, voit sa défense renforcée. On l'entoure d'une nouvelle enceinte et on construit sur la colline de la Roche-Percée un fortin, d'après les projets du général bitchois Michel Bizot, père du général Brice Adrien Bizot. Le fort Saint-Sébastien, complété par un camp retranché, est situé à l'emplacement du terrain de football actuel. Afin de désenclaver la place et permettre l'acheminement rapide de troupes, la construction de la voie ferrée Sarreguemines-Haguenau est entreprise en 1868-1869. Tous ces travaux attirent une forte main d'œuvre à Bitche, dont le commerce local en tire un large bénéfice. Des immeubles bourgeois bordant la rue de Sarreguemines sont les témoins de cette prospérité. Parallèlement, des habitants de la région fuient leur pays pour tenter leur chance en Amérique, revenant parfois ensuite (2).

II. Notes et références

1. HIEGEL, « L'évolution du nom de Bitche », 1991, p. 5-15 (voir bibliographie).
2. HIEGEL, « Les émigrants des régions de Bitche et Sarreguemines en Amérique de 1828 à 1872 », 1991, p. 16-54 (voir bibliographie).

III. Annexes

1. Bibliographie

2. Liens internes

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