Haute justice aux XVIe-XVIIe siècle dans la région de Bitche-Sarreguemines

La haute justice - Hochgericht - a été l'un des ressorts de la justice seigneuriale à cette époque. À partir du XIIIe siècle et jusqu'à la grande révolution de 1789, elle était rendue dans la région de Bitche et Sarreguemines selon des règles très variables, différentes d'une seigneurie à l'autre. Des crimes et méfaits, tels que le meutre, la brutalité, le vol, le faux monnayage, la sorcellerie ou encore la polygamie relevaient de cette forme de justice dure, implacable, expiditive, voire cruelle. Les erreurs judiciaires étaient fréquentes, puisqu'on avait recours à la torture pour obtenir les aveux de l'accusé, présumé coupable.

Les officiers préposés à la justice aux XVIe et XVIIe siècles

Le prévôt (Vogt) et les échevins (Schöffen) étaient ses officiers les plus importants, alors que le doyen remplissait les fonctions de geôlier. Le châtelain de Sarreguemines et le prévôt, de concert avec d'autres seigneurs, rendaient une fois l'an la justice. Toute la procédure était contrôlée par un officier permanent, le procureur de justice. Celui-ci défendait partout, aussi bien sur le domaine ducal que sur les terres d'Église ou dans les fiefs, les intérêts de son maître. Il introduisait les causes et défendait les parties lésées, protégeait les veuves, les pauvres, choisissait les tuteurs pour les enfants orphelins et les relevait de leurs fonctions à la majorité de leurs pupilles. Il rédigeait et contrôlait les baux.

Un bourreau au Moyen Âge.

Pour la procédure civile, les décisions de justice étaient exécutées par les prévôts, les maires et les doyens. En matière criminelle, l'exécution des sentences était confiée à un officier spécial. L'exécuteur des hautes oeuvres ou bourreau (Henker) chassait les bannis du domaine de Sarreguemines, torturait, décapitait, pendait ou brûlait les condamnés à mort. Il donnait aussi une sépulture aux personnes trouvées mortes sur le territoire de l'office et aux suicidés. Il revenait au duc de Lorraine seul d'examiner les demandes en appel et les remises ou modifications de peine étaient extrêmement rares. À cette époque lointaine, il y avait encore des bourreaux à Saint-Avold, Bitche, Boulay, Faulquemont et Habkirchen. L'organisation de la justice était la même dans le comté de Bitche. Enfin, l'appareil judiciaire disposait d'hommes en armes, d'arquebusiers ducaux, pour arrêter les coupables et veiller aux sentences. Le seigneur détenait également la moyenne et basse justice. Elle concernait les délits et infractions aux lois et aux règlements, punis de châtiments corporels, de privation de nourriture, d'obligation de corvées, d'emprisonnement et d'amendes. Les lieux de détention criaient au ciel : faim, froid, humidité et mauvais traitements réduisaient le prisonnier à un véritable martyr. La basse justice était avant tout une justice foncière s'occupant des délits ruraux constatés par les gardes-champêtres ou bangardes. Le seigneur assurait ainsi la protection de tout ce qui touchait à l'élevage, aux cultures agricoles et à l'intégrité des propriétés.

La haute justice

En ce qui concerne la haute justice, le duc de Lorraine déléguait son pouvoir judiciaire à un tribunal composé d'un président (prévôt) et de quatorze assesseurs pris parmi les échevins (Schöffen) de Sarreguemines et des villages de son ressort. Si l'inculpé était réticent et refusait de répondre, le bourreau lui appliquait la torture affreuse des brodequins (soulier trop petits), les grésillons (un fouet garni de boulettes de plomb) ou encore le pince-doigts (Daumenschraube). Les peines prononcées étaient la mort, l'ablation des membres, le fouet, la marque au feu, la roue, l'estrapade - qui consistait à plonger le condamné dans la braise incandescente -, l'exposition au pilori (Schandphal) et le bannissement. Alors que le bûcher était réservé aux présumées sorcières, la croix de saint André consistait à étendre le supplicié dessus, de lui rompre le corps et de le laisser mourir lentement. La région de Sarreguemines et de Bitche possède une toponymie extrêmement riche en indices concernant la haute justice rendue autrefois. Le seul cadastre de Sarreguemines permet de relever une vingtaine de lieux-dits désignant des endroits d'érection de gibets, tels que Galgenberg (colline du gibet), Galgen (gibet), Galgenbann, Galgenwies (prairie du gibet), Galgenköppel (colline de la potence), Henkersberg (colline du bourreau), Henkersweg (chemin du bourreau), Hochgericht (haute justice), Martersberg (mont des tortures), Rabenstein, Schindereck (coin du bourreau) et Schinderwies (prairie du bourreau).

En 1589, le bourreau de Schorbach dépendit un suicidé à Schweyen pour le rependre à Bitche. Si un gibet existait dans le village, son ban ne fournit aucune indication. Les fourches patibulaires (potence-gibet) avaient pour buts, non seulement de servir à l'exécution des condamnés, mais aussi à inspirer la crainte aux habitants et aux passants, d'autant plus que les exécutés restaient pendus à la potence jusqu'à ce que leurs corps tombent d'eux-mêmes.

Les bourreaux

Tous les bourreaux de cette époque étaient apparentés, de père en fils, ceux-ci n'avaient d'autres ressources que de reprendre le métier du père et de marier les filles d'autres exécuteurs de la région. Ils formaient une vaste corporation, dont les membres étaient solidaires dans l'infamie, à laquelle la société d'alors les condamnait. Les appelations des bourreaux étaient Nachrichter (bourreau), Scharfrichter (carnifex). Henker, Knüpfauf, Stockwart, Wasenmeister, Elenmeister et Schinder désignent tous les exécuteurs des hautes, moyennes et basses œuvres ou de la justice. Autour des années 1700, le bourreau touchait trente gros pour appliquer la question (interroger), cinq francs pour administer le fouet et dix francs pour une exécution capitale. Pour les basses oeuvres (niedere Arbeit ), il touchait deux francs pour l'enfouissement d'un cadavre animal, s'il appartenait à un bourgeois et un franc dans tous les autres cas. La peau lui revenait également. L'ensevelissement de chèvres et autres petites bêtes lui rapportaient trois gros. Le seigneur était exempt de lui payer ses services.

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