Vestiges des fortifications de la ville de Bitche

Le Bitscherland, petite et discrète région aujourd'hui excentrée et éloignée des axes majeurs de communication, possède pourtant une histoire très riche, du fait de sa position stratégique, aux marches des deux grandes puissances que sont l'Allemagne et la France. La région possède également un riche patrimoine civil ainsi que religieux. L'histoire de la ville de Bitche et du Bitscherland, véritable enjeu militaire, est indissociable de celle de leur forteresse imprenable : elle présente en effet des particularités qui lui sont propres. La belle porte de Strasbourg (appelée aussi en allemand Straßburger Thor) se situe en plein cœur de la petite ville de Bitche, entre la gare d'une part - située hors de l'ancienne enceinte fortifiée -, l'hôtel de ville et l'église catholique Sainte-Catherine d'autre part. Elle constitue un des seuls vestiges des importantes fortifications qui comprenaient autrefois quatre portes, encerlant totalement la place-forte.

Table des matières

            1. Fortifications

            2. Portes

            3. Bibliographie

La porte de Strasbourg à Bitche. La porte de Sarreguemines avant sa destruction en 1889. La porte de Strasbourg est la seule des quatre portes de la place qui survivra à l'annexion allemande de 1870 à 1918. La porte de Strasbourg du côté de la ville.

1. Fortifications

Jusqu’à la guerre de Trente Ans (1618-1648), la ville de Bitche n'est constituée que de deux bourgs, l'un - situé autour de l'actuel quartier de la mairie - du nom de Kaltenhausen (signifiant littéralement maisons froides), et l'autre  - au niveau du quartier de l'abattoir - du nom de Rohr (signifiant roseau). La population de l'ensemble est de 198 habitants en 1595. Ces deux bourgs sont entourés d'un mur d'enceinte, donnant passage aux piétons et aux attelages grâce à deux portes. Mentionné au XVIe siècle comme une simple palissade, ce mur est construit en 1563 par le comte de Bitche-Zweibrücken. Le 6 septembre 1633, les troupes des mercenaires suédois détruisent et incendient les deux bourgs de Kaltenhausen et Rohr et Louis de Crevant, seigneur d'Argy puis marquis d'Humières, sur les ordres du cardinal Armand Jean du Plessis de Richelieu (1585-1642), assiège et occupe la place en 1634.

Durant l'hiver 1673-1674, Henri de La Tour d'Auvergne-Bouillon, vicomte de Turenne (1611-1675) prend ses quartiers d'hiver dans le Palatinat et vient visiter la ville de Bitche. Impressionné par l'importance stratégique du site, il finit par convaincre Louis XIV (1638-1715), roi de France de 1643 à sa mort, de fortifier ce point et en 1679, le roi charge le maréchal Sébastien Le Prestre de Vauban (1633-1707) de ce travail. La ville est entourée d'un mur par le maréchal d’Humières. Les travaux ont lieu de 1683 à 1697 et coûtent à la France 2 500 000 livres d'or, ce qui constitue une somme énorme pour l'époque. Par des traités de paix successifs, la place de Bitche change de mains et ses fortifications sont détruites et reconstruites à plusieurs reprises. La population de la ville augmente peu à peu pour atteindre 400 habitants en 1626.

La porte de Phalsbourg, avant sa destruction en 1891. Des sculptures contemporaines sont installées autour de la porte de Strasbourg. L'ancien corps de garde était situé rue Jean-Jacques Kieffer jusqu'en 1984, date de sa destruction lors de l'aménagement du parc du Stadtweiher. La porte de Strasbourg depuis l'intérieur de la cité.

En 1697, le traité de Ryswick met fin à la guerre de la ligue d'Augsbourg (1688-1697) entre Louis XIV et la Grande Alliance, restituant la Lorraine au duc Léopold (1640-1705), empereur du Saint-Empire à partir de 1658, stipulant que la place de Bitche sera rasée : la citadelle est donc démantelée en 1698. Les nouvelles fortifications doivent être rasées et un régiment originaire des Flandres se charge de cette besogne de l'automne 1697 à l'été 1698. En 1701 éclate la guerre de Succession d'Espagne, qui opposera la France et l'Espagne à une coalition européenne jusqu'en 1714 : une nouvelle fois, une garnison française vient occuper Bitche. Les soldats s'efforcent aussitôt de reconstruire les fortifications construites par le maréchal de Vauban et rasées peu de temps avant.

En 1735 et 1736 sont signés des accords spécifiant que le duc de Lorraine François III Stéphane (1709-1765) renonce aux duchés de Bar et de Lorraine au profit du roi de Pologne en exil Stanislas Leszczyński (1677-1766), dont la fille a épousé Louis XV (1710-1774), roi de France de à partir de 1715. Le roi déchu vient donc s'installer à Lunéville et prend le titre de duc de Lorraine à partir de 1737. En 1738, Louis XV autorise à reconstruire la place forte de Bitche, intégrée au système défensif des frontières françaises, sous la direction du maréchal de Bournay. La nouvelle enceinte est composée de 6822 pièces et dure pratiquement jusqu'en 1788. Quand le maréchal meurt en 1740, il est remplacé par un homme providentiel pour la ville de Bitche, le comte Henri François de Bombelles, qui est gouverneur de la place de 1740 à son décès en 1760. Celui-ci se met à l'ouvrage dès 1741 et lorsqu'en 1744, les mercenaires guerroyant pour l'Autriche s'approchent de Bitche, il sont repoussés. Les travaux de fortification durent jusqu'en 1765, comme l'indique la plaque que Louis XV fait poser à l'entrée de la citadelle. Le tracé du maréchal de Vauban est respecté et renforcé par d'autres ouvrages. L'année 1743 voit la construction de quatre barrières permettant d'entrer dans la place.

La porte de Strasbourg et la citadelle. La porte de Strasbourg du côté de la ville et la rue de la gare. La porte de Strasbourg vue depuis la rue des tilleuls. La porte de Strasbourg avant la seconde guerre mondiale.

Par une ordonnance ministérielle de la Guerre établie au cours du mois d'octobre 1788, il est décidé que l'enceinte de palissade serait remplacée par un mur. Les travaux sont ainsi effectués et achevés en 1795, ayant occasionné la dépense d'une somme de 57 202 francs. Ce nouveau mur de fortification s'étendait du glacis de la citadelle jusqu'à l'étang du Stadtweiher, avant d'être agrandie de 1844 à 1852. Il faut remonter à l'année 1844 où le général Antoine Virgile Schneider (1779-1847), originaire de Sarreguemines, ministre de la guerre du 12 mai 1839 au 1er mars 1840 et membre de la célèbre famille d'industriels du Creusot, parvient à faire imposer la fortification de la ville. Une ordonnance ministérielle en date du 28 juin 1844 ordonne ces fortifications, qui sont achevées dès l'année 1852. La ville de Bitche ayant attiré un nombre de plus en plus grand d'ouvriers, d'artisans et de commerçants, voit passer sa population de 2 200 habitants en 1770 à 3 411 en 1850, ce qui amène les constructeurs de fortifications à reporter les portes au-delà des anciennes barrières.

Un décret ministériel du 28 février 1850 élève la ville au rang de place-forte de première classe, avant la fin des travaux en 1857. Après la guerre franco-allemande de 1870, la place-forte de Bitche, désormais éloignée de la frontière, n'a guère plus de valeur stratégique. Ses fortifications n'étant plus adaptées aux grands progrès de l'artillerie à canon rayé, le fort est déclassé par les Allemands en 1880 et les fortifications sont partiellement démolies par les Allemands de 1872 à 1914. À l'été 1984 sont mis au jour et rebouchés les vestiges d'un bastion situé rue du Général-de-Gaulle, à l'occasion de l'aménagement du jardin municipal du Stadtweiher, comme en 1957 ont déjà été mis au jour les fondations de deux murs de l'enceinte de 1844, qui coupait le chemin des moulins.

Les fortifications de la ville avant 1914. La porte de Strasbourg depuis la rue des tilleuls. La porte de Strasbourg du côté de la gare. L'accès au logement du gardien se fait depuis la rue des tilleuls.

2. Portes

L'enceinte construite par les ducs de Bitche-Zweibrücken est percée à l'origine de deux portes. La première, qui est dite Oberpfort ou porte supérieure, est la porte de Strasbourg , tandis que l'autre, appelée Unterpfort ou porte inférieure, est celle de Sturzelbronn. On parle désormais de quatre portes en 1662, à savoir la Hinter Thor ou porte de derrière, la Vorder Thor ou porte de devant, Ober Thor ou porte dite de Strasbourg et Unter Thor ou porte de Sturzelbronn. Ces portes sont gardées par des gardiens ou Wachtmeister, qui sont chargés de les surveiller, de les ouvrir le matin et de les refermer le soir. À certaines époques, la municipalité se charge de salarier le gardien. Chaque citoyen doit lui livrer annuellement un Sester de grain. De même, chaque voiture ou charrette amenant du bois doit lui fournir un Porstang. Durant la fenaison, il a le droit d'arracher à chaque voiture trois, et à chaque charrette, deux poignées de foin. De plus, le berger doit lui garder gratuitement deux têtes de bétail et deux porcs. La reconstruction de l'enceinte étant autorisée par Louis XIV en 1738, quatres barrières sortent de terre dès l'année 1743. Un plan détaillé de la ville de Bitche est daté de 1753 et se trouve conservé au musée de la citadelle. Il indique l'emplacement exact desdites barrières :

L'accès à la porte depuis la rue des tilleuls. La porte de Strasbourg avant 1945. La porte de Strasbourg depuis la rue des tilleuls. La porte de Strasbourg et le clocher de l'église catholique Sainte-Catherine.

Ces barrières ne sont que de simples constructions de bois et de fer. Les mémoires des fortifications de Bitche portant la date du 1er janvier 1758 disent : « Les barrières construites en 1743 aux entrées de la ville basse, étant tombées en vétusté, on en fait mettre les vieux fers aux magasins, ainsi que les bois qui en sont provenus. On n'en propose pas le rétablissement, attendu qu'elles deviennent inutiles. La nouvelle enceinte projetée dans le pourtour de cette ville basse n'étant point encore décidée, conséquemment, les entrées des portes ne sont point indiquées ». 

En 1786, les portes sont pourvues de quatre corps de garde, d'une longueur de 6 mètres 80 et d'une largeur de 5 mètres 50, avec une superficie au rez-de-chaussée de 37,40 m², semblables en construction et en contenance, faits pour douze hommes, selon le tableau militaire de Strasbourg, dressé en juillet et août 1819. Un autre tableau du ministère de la Guerre, daté du 17 décembre 1833 , concerne les propriétés immobilières appartenant à l'État qui sont affectées à un service public quelconque dans la place de Bitche. Ce document nous aprend que chaque corps de garde comprend à cette époque un petit grenier, avec une superficie bâtie pour l’ensemble de 192 m², pour une valeur approximative en capital de 4 800 francs. Ce document nous indique également que l'enceinte fortifiée de la cité est construite en 1786, aux frais de la ville de Bitche, pour le département de la Guerre sur les plans et sous la direction du Génie militaire, ainsi que le fait qu'elle appartient au département de la Guerre depuis sa construction, et ce jusqu'au 8 avril 1811. Remis à cette époque à la ville par décret du 23 février 1811, elle est occupée à nouveau et entretenue par le département de la Guerre depuis 1814, sans acte de reprise. Un état de la direction de Sarrelouis du Corps Royal de Génie pour la place de Bitche, en date du 15 novembre 1814, porte comme observation : « la force de service au 15 juillet 1791 est composée comme suit :

La porte de Strasbourg avant la seconde guerre mondiale. La porte de Strasbourg contrôle l'entrée dans le centre-ville de la cité fortifiée. La porte de France en 1945, après les violents combats et bombardements de la seconde guerre mondiale. La porte de Strasbourg est classée monument historique depuis 1930.

Ces chiffres nous permettent très certainement de mesurer quelle importance pouvait avoir lesdites quatre barrières. Entre 1854 et 1852, différents travaux d'agrandissement des fortifications existantes sont entrepris à Bitche. La porte de Strasbourg demeure alors l'unique porte à ne pas changer d'emplacement au cours de ces transformations. En effet, la barrière dite à ce moment de Sarreguemines et de Phalsbourg éclate en deux. L'une d'entre elles, appelée porte de Phalsbourg, est repoussée jusqu’au niveau de la chapelle de l'Étang, tandis que l'autre, dite de Sarreguemines, se trouve rebâtie à la hauteur de l'actuel hôtel des Postes. La porte de Landau est elle aussi déplacée et se voit reportée à la hauteur de l'actuel tabac Hoellinger.

La terrible guerre franco-allemande de 1870 et l'héroïque siège de la ville par le commandant Louis-Casimir Teyssier a durement malmené les portes de la cité bitchoise. De plus, la mise en service de l'artillerie rayée, à plus longue portée, à précision plus grande et à effets plus puissants, modifie très grandement les conditions de la lutte, au grand détriment de la valeur du fort. C’est ainsi qu'à partir de 1872, les portes de la place sont condamnées à la pique des démolisseurs qui ne laissent debout que quelques pans de mur et une seule porte, celle de Strasbourg, qui existe encore à ce jour mais se voit contournée par la circulation de plus en plus dense. Les trois autres ont disparues durant l'annexion allemande, celle de Sarreguemines dès 1889, celle de Lemberg en 1891 et celle de Landau en 1900. La porte de Strasbourg est classée monument historique depuis 1930 et continue aujourd'hui encore de veiller sur l'entée dans le cœur de la petite cité bitchoise.

La porte de Strasbourg avant la guerre de 1939-1945 du côté de la gare. Une sculpture contemporaine, la " colonne de Bitche ", est située près de la porte de Strasbourg. Les vestiges de l'enceinte urbaine en 1902 depuis le sud-ouest. Les abords de la porte de Strasbourg sont agrémentés de sculptures contemporaines et de compositions florales.

3. Bibliographie
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