Mobilier liturgique dans le Bitscherland

Le Bitscherland possède un patrimoine religieux très riche. Il recèle de charmantes petites chapelles et d'églises remarquables, d'humbles oratoires nichés à la lisière des forêts. Son territoire est parsemé de très nombreux calvaires et croix de chemin, rappelant au promeneur la foi de ceux qui l'ont précédé dans ce pays. La situation de la région, sur les marges de la Lorraine catholique, entraînant l'affirmation d'une foi vive face aux protestants des pays voisins, confortée par une vieille tradition religieuse d'une bonne partie des émigrants, explique la prédominance du patrimoine religieux, qui a laissé son empreinte dans le paysage artistique. Une empreinte toujours renouvelée, tant les mentalités restent profondément ancrées dans leurs traditions.

Description

« En dépit des destructions consécutives aux guerres, aux reconstructions des églises ou à la réforme liturgique liée au concile de Vatican II, le mobilier religieux des XVIIIe et XIXe siècles est encore relativement bien conservé et, de nos jours, il est de plus en plus souvent l'objet des soins attentifs des conseils de fabrique. Pour le XVIIe siècle, seules des mentions abondantes dans la comptabilité ducale antérieure à la guerre de Trente Ans témoignent d'acquisitions nombreuses de tableaux, statues ou reliefs à placer dans les retables des autels, d'achats de confessionnaux, de chaires à prêcher, de retables ou de constructions de jubés, les paroisses s'adressant à des « tailleurs d'images » de Sarrebruck, de Haguenau et de Bitche, ou à des peintres de Wissembourg. Au début du XVIIIe siècle, en 1708, la fabrique de l'église de Bitche commande deux autels latéraux à un sculpteur tyrolien, André Berthel, récemment installé à Haspelschiedt

Et puis, il faut attendre les années 1730 et les premières reconstructions d'églises pour être à nouveau bien renseigné sur la fabrication du mobilier religieux, installé souvent peu de temps après, et sur les sculpteurs qui l'ont réalisé. Des autels, des tabernacles et des retables en bois polychrome et doré ont été attribués au sculpteur Jean Martersteck (1691-1746), originaire de Bouquenom (aujourd'hui Sarre-Union, dans le Bas-Rhin), venu s'installer en 1735 à Wœlfling-lès-Sarreguemines, aux portes du Pays de Bitche. On lui doit sans doute le retable d'Epping actuellement dans la chapelle d'Urbach, le maître-autel et la chaire à prêcher des églises de Rimling et de Loutzviller, les retables des trois autels de Rahling, signés et datés 1745, ainsi que le maître-autel et l'autel latéral gauche de l'église paroissiale de Gros-Réderching ; quant à l'autel-retable de la chapelle d'Olferding fourni en 1755, il a disparu depuis bien des années.

Dans la modeste chapelle catholique de Philippsbourg, un petit autel gothique de bois sculpté et peint est flanqué de hautes boiseries latérales. Il coupe le modeste chœur de l'oratoire dans toute sa largeur, pour dissimuler derrière lui un confessionnal et une petite sacristie. La chapelle de la Très Sainte-Trinité de la Frohmühl, à Siersthal, date très vraisemblablement du XVIIe siècle. L'intérieur de la chapelle Sainte-Vérène d'Enchenberg au début du XXe siècle. L'ancien retable a été dérobé vers 1960 : retrouvé récemment, mais incomplet, il est inscrit sur la liste supplémentaire des monuments historiques depuis le 24 novembre 1991 et exposé à la chapelle. De facture baroque, il est probablement l'œuvre de Hans Martersteck. La fleur des ailerons latéraux est une réplique presque exacte d'éléments analogues du retable de Rahling, qui lui, est signé par l'artiste, d'où cette présomption. La chapelle Saint-Sébastien, érigée au XVe siècle, est un lieu de pélerinage à partir de 1763, après avoir été d'abord la chapelle du cimetière de la ville de Bitche. Dans le petit chœur de la chapelle, fermé par une belle grille en fer forgé, les statues de saint Wendelin et de saint Roch entourent celle de saint Sébastien, patron de l'oratoire. À l'intérieur de la chapelle se trouve également la plaque funéraire de François Céron. Cité comme, maître cuisinier et aubergiste à Bitche, il est décédé le 21 novembre 1654 ou 1684, le troisième chiffre étant difficilement identifiable.

L'œuvre de Martersteck, fortement architecturée, est caractérisée par l'utilisation, dans les retables, de colonnes parfois jumelées ou placées en biais, encadrant des niches ou des tableaux. L'entablement, sur lequel reposent des pots à feu ou à fleurs, est surmonté de frontons plus ou moins développés, aux rampants chantournés ou encadrés d'ailerons. Le décor, doré à la feuille sur fond peint en blanc à l'origine, est répandu sur les devants d'autels, quand ils ont été conservés, sur les gradins, les ailerons et le fronton des retables, sur les piédestaux des colonnes. D'inspiration végétale et florale, il est souvent mêlé à des rinceaux, des enroulements ou à des fleurons.

En 1791, le district de Bitche procède progressivement à la liquidation de l'abbaye cistercienne de Sturzelbronn, suite aux réformes révolutionnaires relatives aux ordres religieux. Les effets mobiliers de l'abbaye sont mis aux enchères à Bitche entre le 10 avril 1792 et le 12 novembre 1792 ; c'est à cette occasion que la récente chapelle de Breidenbach fait l'acquisition d'un confessionnal. Datant de 1741, le maître-autel de l'église Saint-Marc de Siersthal - bien que non signé - est à attribuer à Jean Martersteck par étude comparative. La nef de l'imposante église Saint-Georges de Montbronn, érigée en 1896. Le confessionnal - ici celui de l'église de Lambach - est un élément central de la Réforme catholique suivant le concile de Trente, qui trouvera une place centrale dans les églises. La nef de l'église de l'Exaltation de la Sainte-Croix d'Eguelshardt, érigée en 1854. Les transepts ont été aménagés, l'un en chapelle de pénitence d'où le confessionnal, l'autre en réplique de la grotte de Lourdes.

Au milieu du XVIIIe siècle, Théodore Saladin, sculpteur à Freyming, fournit en 1757 l'autel de la chapelle de Bining et, quelques années plus tard, Joseph Lintz, de Bouquenom, le tabernacle de celle-ci, tandis que Jean-Claude Mercenier, originaire d'Arlon, dans l'ancien duché de Luxembourg, sculpte le beau devant d'autel représentant la Cène pour l'église de Loutzviller. Dans les années 1770-1780, les paroisses voisines de Rohrbach-lès-Bitche et de Gros-Réderching font appel à un sculpteur de Sarrebourg, Dominique Labroise (1728-1808), pour l'ameublement de leurs églises. Il fournit les trois autels de Rohrbach commandés en 1772 et l'autel avec la statue de sainte Agathe pour celle de Gros-Réderching en 1776, réalisé sur le modèle de l'autel de la Vierge. Sa production se distingue de celle de Martersteck par un élancement plus accusé des retables, par leur plan galbé, une plus grande sagesse dans l'utilisation du décor et par le développement exceptionnel des frontons au contour très chantourné et timbré de roses.

Le maître-autel de l'église Saint-Didier de Gros-Réderching est exécuté entre 1854 et 1858 par le sculpteur Jean Martersteck, installé à Wœlfling. L'intérieur de l'église Sainte-Élisabeth de Sturzelbronn, possédant un maître-autel en stuc qui date de 1775. Le maître-autel monumental et la chaire à prêcher - détruite lors de la seconde guerre mondiale - de l'église de la Très Saint-Trinité de Loutzviller sont exécutés par le sculpteur Martersteck vers 1740. L'intérieur de l'église Saint-Bernard de Reyersviller, construite en 1956, est très sobre et dépouillé.

À côté de ces sculpteurs sur bois, des stucateurs sont mentionnés à plusieurs reprises dans les comptes de fabriques au cours de la décennie 1770-1780 : André Moosbrugger, venu du Vorarlberg et installé à Altroff, fournit en 1771 les trois autels-retables d'Achen ; les sculpteurs Jean-Philippe Mihm et Winibald Wagner, qui avaient travaillé à la Cour de Sarrebruck sous la direction de l'architecte Frédéric-Joachim Stengel, réalisent à la même époque les autels et la chaire à prêcher de Bettviller et à partir de 1755 l'ensemble des trois autels et la chaire de l'église Sainte-Catherine à Bitche, pour lesquels le stucateur Verschneider avait été sollicité. À Sturzelbronn (1775) et à Soucht aussi, les maîtres-autels ont été commandés à des sculpteurs en « marbre artificiel ». De toutes ces œuvres, bien peu subsistent aujourd'hui, sans doute victimes, bien plus que le mobilier en bois, des destructions de la guerre et des réformes liturgiques, mais elles sont heureusement connues par des photographies. Il s'agissait d'autels formés d'un tombeau fortement galbé et de retables à colonnes, au plan incurvé, avec un fronton très développé encadré de consoles au profil chantourné, le décor occupant les fonds du retable et du fronton. Quant aux chaires, elles avaient une cuve polygonale à la base fortement renflée et aux arêtes soulignées par des chutes végétales terminées par des volutes, l'ensemble étant peint en faux-marbre. 

La chaire à prêcher de l'église Sainte-Élisabeth de Sturzelbronn, en chêne taillé, date du début du XXe siècle et présente les symboles des quatre Saints Évangélistes sur les panneaux de la cuve, peints en polychromie. La chaire à prêcher de l'église Saint-Rémi de Schorbach. La chaire à prêcher de l'église de Breidenbach date probablement du XIXe siècle et figure les Saints Évangélistes sur la cuve, peints en polychromie. Le maître-autel de l'église de Rimling, daté 1739, est l'œuvre du sculpteur Jean Martersteck et constitue une pièce très élégante (photographie de la commune de Rimling). Le retable du maître-autel de l'église Saint-Christophe de Rahling date de la reconstruction de l'édifice de 1739 à 1745. Il est réalisé par Jean Martersteck, tout comme les deux autels latéraux.

Dans la première moitié du XIXe siècle, les autels perpétuent la tradition du XVIIIe siècle, comme le maître-autel de Bining commandé en 1819 au sculpteur Henri Güldner, de Bérus (Sarre), [près de Creutzwald,] et les autels latéraux acquis en 1842 par la fabrique, tous fortement « embellis » à la fin du siècle et au début de l'autre. Sur des tombeaux toujours galbés le décor rapporté s'étale en légers enroulements végétaux, des chutes d'instruments liturgiques ornent les ailes du tabernacle, tandis que les ailerons, plus grêles, sont couverts d'un fond mosaïque.

Le retable du maître-autel de l'église Saint-Didier de Gros-Réderching, de même que l'autel latéral gauche, est exécuté par Jean Martersteck. Extrêmement dépouillée comme à l'habitude des communautés protestantes, l'église luthérienne de Philippsbourg est construite en 1912 dans le style de l'Allemagne du sud. Dans l'église Saint-Hubert de Breidenbach, par ailleurs bien conservée, le maître-autel n'a pas survécu au concile Vatican II. Le tabernacle a été replacé sur un autel en bois non sculpté. La chapelle Notre-Dame-des-Bois d'Erbsenthal, dans la forêt d'Eguelshardt, possède un bel autel en plâtre du milieu du XIXe siècle.

Si la réalisation des autels, des retables et parfois des chaires à prêcher incombait aux sculpteurs, de nombreux maîtres-menuisiers, originaires de la région, d'Alsace, de la Sarre et du Palatinat mais aussi de la Suisse, du Tyrol et du Vorarlberg, installés dans le Pays de Bitche à la suite de vagues successives d'émigration, ont travaillé parallèlement à l'embellissement des églises : ainsi, Laurent Ichterz père et fils, Jean Fischer et Antoine Rudiger établis à Bitche, Conrad Weber, de Rohrbach, et ses beaux-fils, les frères Schee, qui collaborent avec Jean Hoffmann, de Gros-Réderching, tous fournissant dans les années 1750-1780 des confessionnaux, des chaires à prêcher, des cadres d'autel et des emmarchements, des consoles, des lambris ou encore des bancs à un certain nombre de paroisses du Pays de Bitche.

Les fonts baptismaux de l'église de Reyersviller, construite en 1956, sont réalisés en pierre de Volvic. Dans la petite nef de la chapelle de l'Étang de Bitche, érigée en 1515, deux statues sont placées de part et d'autre de l'arc ouvrant sur le chœur, saint Dominique à gauche et saint François d'Assise à droite ; contre les murs de la nef, on trouve saint Joseph et saint Antoine de Padoue. La chapelle du collège Saint-Augustin de Bitche fait l'objet de travaux dans les années 1990, durant lesquels elle se voit réduite à son chœur. Le chœur de l'imposante église néo-romane de Saint-Louis-lès-Bitche, érigée entre 1897 et 1902.

Les meubles et les armoires de sacristie, nombreuses, ainsi que d'autres « ouvrages de leur profession » étaient réalisés par de simples menuisiers, venus des même régions, dont les comptes ont conservé les noms pour la même période : Mathis Seiller, de Breidenbach, Jean Kimmel et Jean Henrich, tous deux de Schorbach, Michel Félix, de Rohrbach, Frédéric Kurtzknab, de Bitche, Pierre Lerbseher, de Bliesbruck [dans le pays de Sarreguemines], ainsi que Jean-Henri Maurer, d'Hornbach ou Valentin Stock, de Bliesmengen [tous deux en proche Allemagne]. Dans la seconde moitié du XIXe siècle et au début du XXe siècle, le mobilier religieux s'inspire, comme partout en France, des styles roman, gothique et Renaissance, les fabriques s'adressant souvent à des ateliers de sculpture alsaciens et parfois mosellans, quand les architectes chargés des reconstructions ne fournissent pas eux-mêmes les dessins du mobilier, dans le cadre d'un programme d'ensemble, comme par exemple Rémy Jacquemin à Enchenberg, à la fin du XIXe siècle » (Le Pays de Bitche, p. 9-10).

Des chemins de croix sculptés en bas-relief sont progressivement installés dans les églises du Bitscherland, principalment au cours du XIXe siècle. Certains connaissent des adaptations majeures dans la seconde moitié du XXe siècle, visant à alléger ce qu'on estimait alors être surchargé : les stations monumentales ont ainsi été dépouillées de leur armature en bois, comme à l'église Saint-Marc de Siersthal.

Bibliographie
Liens internes


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