Statuaire dans le pays de Bitche

Le Bitscherland possède un patrimoine religieux très riche. Il recèle de charmantes petites chapelles et d'églises remarquables, d'humbles oratoires nichés à la lisière des forêts. Son territoire est parsemé de très nombreux calvaires et croix de chemin, rappelant au promeneur la foi de ceux qui l'ont précédé dans ce pays. La situation de la région, sur les marges de la Lorraine catholique, entraînant l'affirmation d'une foi vive face aux protestants des pays voisins, confortée par une vieille tradition religieuse d'une bonne partie des émigrants, explique la prédominance du patrimoine religieux, qui a laissé son empreinte dans le paysage artistique. Une empreinte toujours renouvelée, tant les mentalités restent profondément ancrées dans leurs traditions.

Dans la cour du collège Saint-Augustin de Bitche, une statue de la Très Sainte Vierge trône au centre de l'établisement. Déjà présente dans l'ancien établissement situé dans la ville, elle figure l'inscription suivante : Spes unica (notre unique espérance). La statue de saint Jean Népomucène veille sur le pont enjambant la Schwalb, dans le hameau de Holbach à Siersthal. Haut-lieu spirituel du pays de Bitche et but d'un pélerinage marial très fréquenté, la chapelle de Mouterhouse conserve une statue polychrome grandeur nature de la Très Sainte Vierge de Bon-Secours, qui se dresse derrière l'autel - autrefois au-dessus. Elle est sculptée dans un seul tronc de tilleul au début du XVIIIe siècle. Le visage serein de la Sainte Vierge Marie est encadré par un petit voile court, tandis qu'elle protège sous son ample manteau tutélaire les quatorze personnages - représentatifs de toute la société d'Ancien Régime - dont une légende a fait, à tort, les quatorze Saints Auxiliaires, très vénérés dans le Bitscherland. Dans la Pauluskapelle de Soucht, les statues des quatorze Saints Auxiliaires, fort populaires dans la région, emplissent tout l'espace disponible sur trois des murs.

Description

« Comme l'ensemble du patrimoine, mobilier ou immobilier, la statuaire du Pays de Bitche est très récente, puisqu'il n'existe d'œuvre antérieure au XVIIIe siècle, hormis la Vierge de Pitié de Rimling, datée du milieu du XVe siècle, et celles de Rahling et de la chapelle de l'Étang à Bitche, du XVIIe siècle. Elle est peu abondante, avec moins d'une centaine d'œuvres, dont la quasi-totalité est en bois de chêne, parfois de tilleul, avec généralement une polychromie et une dorure modernes. De facture souvent populaire, avec des formes pleines, des visages arrondis, une attitude un peu raide et une absence de recherche dans le traitement des vêtements, une bonne partie de ces statues apparaît comme la production d'artistes locaux.

Pour accéder à la Pauluskapelle de Soucht, le pélerin peut emprunter le chemin des Hergötte, des charmants petits oratoires forestiers. Placées en pendant dans les niches qui encadrent le tabernacle tournant du maître-autel de l'église de Gros-Réderching, les statues de saint Laurent - ici représenté - et de saint Didier, patron de la paroisse, datent de la même époque que l'autel mais semblent être l'œuvre d'un autre sculpteur que la statue de sainte Agathe du retable de l'autel latéral droit, commandée au sculpteur Dominique Labroise en 1776. Emprunté par les pèlerins de la chapelle Sainte-Vérène pour se rendre à l'église Saint-Pierre d'Enchenberg située jusqu'en 1861 à droite du presbytère, un chemin creux est jalonné par les quatorze stations du chemin de croix. Les stations dataient de la fin du XVIIIe siècle, mais beaucoup sont remplacées dans la seconde moitié du XIXe siècle pour mauvais état. D'autres sont réparées ou remplacées récemment. Sculptées dans le grès, elles sont formées de stèles au bord supérieur cintré posées sur un socle par l'intermédiaire d'un support. Saint Antoine de Padoue, ici dans l'église de Lambach, est le plus populaire des saints franciscains après le Poverello d'Assise. Sa présence dans presque la totalité des églises du Bitscherland s'explique sans doute par la présence du couvent des Capucins à Bitche jusqu'en 1722 et de celui de Sarreguemines à partir de 1721

D'autres, plus élégantes dans leurs attitudes et plus expressives dans leur physionomie, témoignent de l'influence de l'art baroque dans la région. Parmi celles-ci, un groupe homogène d'une dizaine de Vierges de l'Immaculée Conception, sculptées dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, s'imposent par leur qualité et dominent l'ensemble de la statuaire régionale. Dressées sur un globe et terrassant le serpent, le visage à l'ovale parfait tourné vers le ciel, elles sont légèrement hanchées et portent une robe aux plis abondants, tandis que l'ample voile-manteau, posé sur les épaules et retenu à l'avant par une ceinture, est animé par un foisonnement de plis. Elles sont posées sur un socle tripode très caractéristique, à la base renflée, orné de lourdes guirlandes de laurier.

Une pietà est située dans la chapelle de l'Étang de Bitche : en bois de tilleul doré et argenté, elle se rattache à la production alsacienne et date du XVIIe siècle. L'humble chapelle forestière Notre-Dame-des-Bois d'Erbsenthal, très fréquentée par les marcheurs et les pélerins, reflète bien la foi des habitants de la région. On trouve sur l'autel les statues de la Sainte Vierge et du Sacré-Cœur de Notre-Seigneur Jésus Christ. Joyau du mobilier de l'église contemporaine Saint-Bernard de Reyersviller, la statue de la Sainte Vierge de l'Assomption est une œuvre alsacienne du XVIIIe siècle. Sculpté dans un bois blanc et recouverte d'une polychromie moderne due au peintre-restaurateur Jaeg, de Strasbourg, le groupe de la Vierge de Pitié, situé dans une niche de la nef de l'église Saint-Pierre de Rimling, date du milieu du XVe siècle et s'apparente aux productions alsaciennes de l'épque, notamment par l'abondance des larges plis cassés du manteau. Le corps rigide de Notre-Seigneur Jésus-Christ repose sur les genoux de la Très Sainte Vierge et la tête est seulement retenue par sa main droite.

Si l'on excepte les christs en croix et les saints titulaires des églises paroissiales, dont l'image est souvent présente, les plus vénérés sont ceux-là même qu'on retrouve sur les croix de chemin : des saints protecteurs pour les hommes mais surtout pour les animaux (saint Sébastien et saint Quirin, saint Hubert, saint Wendelin et sainte Vérène), des saints plus particulièrement honorés dans le Pays de Bitche (saint François d'Assise et saint Antoine de Padoue surtout, [populaires de par la présence du couvent des Capucins à Bitche jusqu'en 1722 et de celui de Sarreguemines à partir de 1721]) et des saints dont le culte s'est propagé à la suite de la Réforme catholique (saint Joseph, saint Jean Népomucène [- ou Johannes Nepomuk -] et saint François-Xavier). Mais c'est la Vierge qui tient la place prépondérante avec une trentaine de figures : Vierge à l'Enfant, Vierge de Pitié, Vierge de l'Assomption et surtout Immaculée Conception, un thème très fréquent dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, qui se prolongera jusque vers les années 1830-1840.

Une belle grotte de Lourdes, avec autel, est érigée en contrebas de l'église de l'Assomption de la Sainte Vierge de Roppeviller. Dans l'église de Siersthal, une statue de la Sainte Verge à l'Enfant est une copie d'un statue du XVIIIe siècle, dérobée en 1972. Une grotte de Lourdes avec autel est érigée en 1927 par la paroisse de Rolbing, à droite de l'église Saint-Vincent-de-Paul. Se développant au XIXe siècle, la dévotion au Sacré-Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ - ici représenté dans l'église de Lambach - trouvera un large écho dans les pratiques privées ainsi que la statuaire, de même que celle au Cœur Immaculé de la Très Sainte Vierge

Parmi les dévotions nouvelles du XIXe siècle, le Sacré-Cœur du Christ et [le Cœur Immaculé] de la Vierge, les apparitions de la Vierge à Lourdes [- qui vont envahir l'extérieur des églises avec le développement des répliques de la grotte de Massabielle, exécutées dans de très nombreux villages -] et de la Salette, ainsi que saint Louis de Gonzague s'imposent dans la sculpture de série, alors que saint Wendelin continue à être vénéré dans la plupart des églises » (Le Pays de Bitche, p. 10-11). On peut signaler également, au XXe siècle, la diffusion des statues de Notre-Dame de Fatima, suivant les apparitions de la Mère de Dieu à trois enfants portugais au cours de l'année 1917, ainsi que celles de saint Padre Pio, canonisé en 2002.

Dominant la rue du Maréchal-Foch depuis la façade de l'église catholique, la statue de sainte Catherine d'Alexandrie veille sur la paroisse de Bitche qui lui est consacrée. En haut des ruines du château du Weckersburg, à Walschbronn, a été érigé au XIXe siècle une grotte ainsi qu'un imposant monument en grès rose, au sommet d'une colonne. Dédié au Sacré-Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, il veille sur le paisible village. Témoin d'une dévotion teintée de politique apparue au XIXe siècle, la statue de sainte Jeanne d'Arc (1412-1431) est érigée à côté de l'église paroissiale catholique Sainte-Catherine de Bitche vers 1860. Un monument est dressé en automne 1888 à l'empereur Guillaume Ier (1797-1888) sur la place, là où se trouvait l'ancienne mairie détruite lors des violents bombardements qui s'abattent sur la cité durant le siège héroïque de la cité par le commandant Teyssier en 1870. Le buste de l'empereur allemand, qui a fait l'honneur à la cité bitchoise de sa visite le 5 mai 1877, voisine donc avec le monument de sainte Jeanne d'Arc, symbole de l'attachement de la ville fortifiée à la France. Cette situation est bien le symbole du destin de la région de Bitche, prise entre les deux grandes puissances durant toute son histoire. Une statue du Sacré-Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ a été installée dans une niche surplombant la Pauluskapelle de Soucht.

Des chemins de croix sculptés en bas-relief sont progressivement installés dans les églises du Bitscherland, principalement au cours du XIXe siècle. Certains connaissent des adaptations majeures dans la seconde moitié du XXe siècle, visant à alléger ce qu'on estimait alors être surchargé : les stations monumentales ont ainsi été dépouillées de leur armature en bois, comme à l'église Saint-Marc de Siersthal.

Bibliographie


Mobilier liturgique dans le Bitscherland

Chemin de croix - Johann Martersteck - Orfèvrerie - Orgues - Statuaire - Vitraux

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