Église Saint-Bernard de Reyersviller
Avec ses modestes maisons dispersées en ordre lâche, le petit village de
Reyersviller s'étire dans la longue et verdoyante vallée du
Schwangerbach. En plein cœur du
pays couvert, la charmante localité se situe à deux kilomètres seulement au Sud-Ouest de la ville de
Bitche. Le patrimoine religieux du village est très riche, puisqu'il possède l'église Saint-Bernard,
construite une première fois à la fin du XIXe
siècle dans le style néogothique, avant d'être
détruite par les bombardements de la seconde guerre mondiale et
remplacée à la fin des années 1950 par un
édifice moderne, plusieurs
croix de chemin et calvaires parsemant le ban communal, le
calvaire de type Bildstock
érigé dans l'écart de Schwangerbach au XVIIe
siècle, ainsi que le
chemin de croix contemporain,
installé dans la forêt dominant le village et aboutissant
à la Croix du
Schimberg.
Table des matières
I. Histoire
1. Village sans chapelle
Du point de vue spirituel, le petit village de
Reyersviller constitue tout d'abord une succursale de la très ancienne et vaste
paroisse Saint-Rémi de
Schorbach,
cela durant de très longs siècles. Il
dépend alors de l'ancien archiprêtré
de Hornbach, aujourd'hui situé en
proche Allemagne. Lors de la réforme des circonscriptions
ecclésiastiques entreprise en 1802, le village est ainsi
intégré dans le
nouvel archiprêtré de Bitche et devient annexe de cette
paroisse, statut qu'il conservera jusqu'en 1863, date de son
érection en paroisse autonome de ce même
archiprêtré, qui est calqué sur le
canton de Bitche.
Au début du XIXe siècle, les habitants du petit village
de Reyersviller, qui constitue déjà une commune
indépendante depuis les réformes administratives entreprises lors de la Révolution française de
1789, sont toujours astreints à se déplacer à
l’
église de Bitche pour recevoir les sacrements et même entendre la Sainte Messe chaque dimanche.
Il a bien existé un premier projet de construction d'une simple chapelle pour le village,
mais il est abandonné, par faute de ressources.
2. Première église
Une nouvelle
incroyable parvient cependant en 1853 dans le calme village : un mécène généreux serait
prêt à verser gracieusement la somme considérable
de 20 000 frs, afin de construire une église dans le village de Reyersviller. Il
s’agit en effet du chanoine Bernard Thomas, secrétaire de Monseigneur
l’Évêché de Metz. Étant originaire de
Bitche, il connaît parfaitement les possibilités de ce
village à la terre sablonneuse peu fertile. Par ailleurs, dans
son esprit, comme il l’exprime dans une lettre, «
ce
chantier ne pouvait qu’être bénéfique
à de nombreux habitants du village et des environs. Une
région riche en tailleurs de pierre, carriers, maçons et
manœuvres ».
En outre, dans une pétition en date du 8 décembre 1853,
il demande au gouvernement français d’accorder à cette pauvre
commune une subvention de 13.890 frs, afin de compléter la somme
de 33 890 frs du devis,
établi bénévolement par Jules Racine, architecte
de la ville de Metz. Dans la même correspondance, il demande que le village
obtienne le titre officiel de paroisse, car étant dans l'incapadité
d’entretenir un vicaire résident. L’abbé
Cordier de
Bitche,
qui n'est sans doute pas étranger à cette manne providentielle, remercie
chaleureusement le généreux donateur, qui a fait en 1854 le
même geste pour le proche village d’
Eguelshardt.
Malheureusement, sa lettre au ministère essuie un net refus, parce
que «
les crédits portés au budget des cultes sont
exclusivement réservés aux églises ouvertes au
culte », or le village de
Reyersviller ne
constitue pas encore une paroisse autonome mais demeure seulement
succursale. Le 25 février 1854, une
nouvelle lettre partant de l’Évêché de Metz,
conjointement avec la préfecture de la Moselle, est suivie du
même refus, entraînant dans un cercle vicieux qui
tournera en rond six longues années durant.
À présent, le maire Brunagel prend l’affaire en main ; il
s’adresse tout d'abord le 6 décembre 1860 à
l’abbé Bernard Thomas, qui confirme sa première promesse
généreuse de 20.000 frs, tandis que la commune est prête à vendre
deux coupes de bois, rapportant 24.000 frs, et que l’abbé
Cordier
de Bitche organise des quêtes permettant de récolter une
coquête somme s’élevant à 3.500 frs. On y
arrivera donc sans le gouvernement ! Un terrain est alors acheté
au centre du petit village et l’entreprise Delay de
Bitche
peut ouvrir le chantier de construction en 1862, pour le terminer en juin 1864. Deux
nouvelles cloches sont bénies le 5 octobre et le chanoine
Bernard Thomas procède à la bénédiction solennelle de
l’église le 9 octobre 1864, sous le vocable de saint
Bernard de Clairvaux, son patron, selon le vœu exprimé par
la population reconnaissante
envers son généreux bienfaiteur, mais aussi lié
à l'histoire du Bitscherland, par l'importance de l'ancienne
abbaye cistercienne de
Sturzelbonn, disparue à la Révolution françise. Monseigneur Paul-Georges-Marie
Dupont-des-Loges (1804-1886), Évêque de Metz de 1843
à 1886, ne consacrera l’édifice que le 13 juin
1866, dans la liesse générale de toute la vallée.
3. Nouvelle église
La seconde guerre mondiale ne passe pas inaperçue dans le village de
Reyersviller,
qui connaît l’évacuation dans le département
de la Charente, puis un nouvel exode au plus fort de la bataille pour
la Libération. Toutes les maisons sont alors endommagées
et l’église Saint-Bernard est en ruines, ayant subie les
bombardements de décembre 1945 à mars 1945, à la
grande douleur de l’abbé Bach. Il fait alors monter une
chapelle-baraque provisoire en espérant la reconstruction, qui ne sera malheureusement plus envisagée
après son départ en 1953. En effet, un édifice
d’un tout nouveau style prend la place de la
vénérable église néogothique du
siècle précédent, construit soixante-dix
mètres plus au nord. Elle est seulement reconstruite de 1956
à 1959 sur les plans de l'architecte bitchois Roger Sarraih.
La très belle cérémonie de la pose de la première pierre a eu lieu en 1956, comme le confirme
la pierre datée sur la façade sud. Monseigneur
Paul-Joseph Schmitt (1911-1987), Évêque de Metz de 1958
à 1987, est venu consacrer la nouvelle église le 21 juin 1959, à la grande
joie de tous les habitants de Reyersviller et tout particulièrement du jeune curé Joseph
Nullans, qui a porté ce grand projet dans son cœur durant de longues années.
II. Édifice
La
première église Saint-Bernard consistait en un
édifice
à plan en croix latine, possédant trois vaisseaux ;
l'édifice était construit en
grès, en pierre de
taille et en moellon enduit. De type église-halle, elle
possèdait un transept et un chevet polygonal. La
tour-clocher se situait
dans-œuvre en façade et le toit était à
longs pans, avec croupe et flèche polygonale.
L'édifice actuel possède quant à lui un vaisseau
unique avec plan allongé ; il est pour sa part construit en
calcaire, en béton, en pierre de taille et en moellon enduit. Le
toit, qui est recouvert de tuiles mécaniques, est à longs
pans et à bâtière.
III. Mobilier
1. Autels
Dans
l'ancienne église, un autel latéral était
dédié à sainte Thérèse de Lisieux.
Surmonté d'une statue de la sainte carmélite, il
présentait également un gisant de la même sainte
dans le tombeau de l'autel.
2. Statues
Les belles statues des quatre saints Évangélistes, en
chêne taillé et verni, sont conservées dans la
sacristie de l'église Saint-Bernard. Elles datent très
vraisemblablement du XIXe siècle. D'origine inconnue, elles ne
proviennent en aucune façon de la chaire à prêcher
de l'ancienne église paroissiale, qui était pour sa part
construite en pierre. La croix d'applique date du XVIIIe siècle.
En bois taillé et laqué, elle représente
Notre-Seigneur Jésus-Christ en Croix.
Le joyau du mobilier est sans
conteste la
statue
de l'Assomption de la Très Sainte Vierge
Marie, une magnifique œuvre alsacienne datant du XVIIIe
siècle. En tilleul doré, peint en polychromie, elle est
offerte à la paroisse par une famille alsacienne en 1959, lors
de la consécration de la nouvelle église
Saint-Bernard.
3. Vitraux
Les
vitraux, les tapisseries et les mosaïques sont signés Léon et Irène Zack.
4. Orgue
Un nouvel
orgue, œuvre du facteur Alfred Kern, est installé finalement en
1961 dans l'édifice achevé. Le bel instrument
possède deux claviers de cinquante-six notes et un
pédalier de trente notes, ainsi que des transmissions
mécaniques.
IV. Orfèvrerie
La paroisse possède plusieurs belles pièces d'
orfèvrerie. Un très bel ostensoir en argent et en laiton,
avec des décors en or, date du milieu du XIXe
siècle : il est exécuté avant 1865 par
l'orfèvre parisien Trioullier et offert par la suite à
la nouvelle église Saint-Bernard de
Reyersvillerpar
Sa Majesté l'empereur Napoléon III. Il
représente la figure biblique de l'Agneau mystique, ainsi que
des épis de blé et de pampre. On y voit également
les armoiries impériales ainsi que la marque d'atelier et le
poinçon. Un calice en argent et en or est conservé
à l'église. Le pied et la tige datent du
quatrième quart du XVIIIe siècle,
tandis que la coupe est fabriquée au XIXe siècle. On y
découvre de l'ornementation végétale ainsi que le
poinçon du maître horizontal.
Monsieur l'abbé Bernard Thomas, fondateur de l'édifice, offre
à la paroisse un calice et une patène,
exécutés après 1838, en souvenir de sa
consécration solennelle, qui a eu lieu le 13 juin 1866. En argent avec
décors d'or, ils représentent la Croix, un angelot, le
triangle de la Très
Sainte-Trinité, les Tables de la Loi et les Vertus, ainsi que de
l'ornemantation végétale. On y distingue le
poinçon de titre de l'argent, le poinçon de titre de
l'or, celui du maître, ainsi qu'une inscription concernant le
commanditaire.
V. Abbé Nullans
L'abbé Joseph Nullans a été curé de la paroisse de
Reyersvillerpendant
près de cinquante ans, entre 1953 et 1996. Durant la
seconde guerre mondiale, l'homme d'Église a été
enfermé à la prison Charles III à Nancy, avant de
retrouver la liberté. Le 1er octobre 1944, la Gestapo
l’arrêta ainsi que tout
un groupe d’autres personnes. Un camion les conduisit alors au
camp de concentration de Schirmeck, en Alsace, à une
époque donc où la ville de Paris était
déjà libérée. Le 20 novembre,
c’est-à-dire la veille de la grande offensive du
général Leclerc sur Strasbourg, les prisonniers
reçurent l’ordre de se préparer à partir en
vitesse. La halte à Strasbourg éveilla de grandes
illusions, puisqu'ils croyaient en leur libération imminente. En
fait, ils furent transportés à Rastatt, où ils
restèrent enfermés dans un camp du 21 novembre au 2
décembre 1944. Puis ils furent transférés dans un
camp à Haslach où ils se retrouvèrent avec environ
600 prisonniers venus des camps de concentration du Struthof et
d'extermination de Dachau, entre le 2 décembre 1944 et le
début du mois de janvier 1945.
L’auteur du témoignage souffrit par la suite d’un
phlegmon qui lui permit d’être envoyé dans un
lazaret en Forêt-Noire. Quand enfin il put monter dans le train
du retour, il dut négocier pour pouvoir descendre en gare de
Lunéville et non aller à Paris, le 29 avril 1945.
L’auteur signale aussi que dès 1947, on a fait
disparaître les témoignages et on a détruit les
locaux des atrocités. Le chanoîne Joseph Nullans publia
ses souvenirs à son retour dans « L’enfer de Haslach
», dans la revue Confluence, Sarreguemines, numéro
5, Spécial Libération. Il est
décédé en 1996 et est inhumé dans le
cimetière de Reyersviller, sous un charmant petit mausolée.
VI. Notes et références
1. Notes
1.
2. Références
1.
VII. Annexes
- JACOPS
(Marie-France), GUILLAUME (Jacques), HEMMERT (Didier), Le Pays de Bitche
(Moselle), Metz, Éditions Serpenoise, 1990, p. 100.
2. Liens internes