Ossuaire de Schorbach

Le village de Schorbach se situe à la limite des pays couvert et découvert et à quelques kilomètres seulement au Nord-Ouest de la ville de Bitche. Adoptant un plan inorganisé, le village occupe les versants d'un vallon très encaissé arrosé par le Schorbach, un affluent de la Horn. Le patrimoine religieux du village est très riche, puisqu'il possède dans son cimetière le célèbre ossuaire du XIIe siècle, ainsi que l'église Saint-Rémi consacrée à la même époque et reconstruite en 1774, le presbytère, une grotte dédiée à Notre-Dame de Lourdes, une quinzaine de croix de chemin et de calvaires parsemant le ban communal et trois chapelles, disséminées autour du village : la chapelle Saint-Wendelin, la chapelle Sainte-Thérèse et la Felsenkapelle. Les trop nombreuses guerres fratricides ont elles aussi marqué le paysage puisque, en bordure du chemin menant à Bitche par les hauteurs de la Rosselle, se situe le Bayerngrab, rappellant la mort des soldats allemands lors du siège de 1870.

L'église Saint-Rémi de Schorbach et son bel ossuaire, vus depuis le haut de la rue Hohl, sont posés sur le promontoire gréseux appelé Heidenhübel ou butte des païens (photographie de Fabrice Schneider). Une figure grimaçante est sculptée dans la voussure des arcades. Relevé de l'édifice publié par le docteur F.-X. Kraus (" Kunst und Alterthum in Lothringen ", 1889, p. 222). La façade de l'ossuaire, emblème du patrimoine communal, depuis la droite.

Table des matières

II. Édifice III. Notes et références IV. Annexes
 

I. Histoire

Plusieurs historiens éminents se sont occupés de l'ossuaire de Schorbach. Nous traduisons ici ce qu'en dit le plus récent d'entre eux, le docteur Karl Pöhlmann : « Le plus ancien monument de l'époque architecturale romane, et aussi le seul du Bliesgau qui nous soit resté dans son intégrité, est l'ossuaire (charnier) près de l'église paroissiale de Schorbach. C'est une construction rectangulaire de 9,25 mètres de long, 5,40 mètres de large et 2,70 mètres de haut. es entrées se trouvent dans les murs même, situées sur les largeurs. Le frontispice est formé de onze arcades reposant sur neuf colonnettes et un pilier central. Ces colonnettes sont couronnées de chapiteaux à dé. L'un d'eux a une forme différente des autres, rappelant le chapiteau antique. Le tout donne l'impression d'un cloître roman et fait supposer une origine analogue à celle de l'abbaye proche de Sturzelbronn. L'origine de ce monument est à dater de la seconde moitié du XIIe siècle, lorsque les comtes d'Eberstein possédaient le patronat de l'église » (note num. 1). Le docteur Kraus le situe du temps de Theotwin, cardinal qui consacra l'église paroissiale en 1143, ce qui ferait supposer un motif commun à l'érection de l'église et de l'ossuaire. Le même auteur signale le pilier central et affirme qu'il est de date antérieure. Cette affirmation nous étonne (note num. 2).

La description la plus complète est faite par l'abbé R.-S. Bour, professeur au Grand Séminaire de Metz (note num. 3). Elle complète celle que nous venons de donner sur les points suivants : la grille qui protège les ossements a été apposée en 1904 à l'initiative de la Société d'Histoire et d'Archéologie. En 1905, on pouvait encore distinguer des restes de fresques au-dessus des arcades médianes et d'après les témoignages de ce temps, elles auraient représenté la mort tenant la faux de sa droite et le sablier de sa gauche (note num. 4). Dans le coin supérieur gauche se serait trouvé un cadran solaire, dont on distingue encore les chiffres romains. On remarque surtout les deux têtes grimaçantes dans la voussure des arcades de droite, dont personne n'a encore, à ce jour, su dégager le sens.

La colonnade de l'ossuaire de Schorbach. Plans de l'ossuaire. L'intérieur de l'ossuaire de Schorbach. Une des figures grimaçante dans la voussure des arcades de droite.

L'abbé Bour signale encore des trous percés dans les chapiteaux des colonnes, I, IV, V et VII. Il en ignore la estination. Mais d'une enquête de l'abbé Schwartz, ancien curé de Schorbach, il ressort qu'ils servaient à fixer une protection en planches, que l'on pouvait relever et abaisser à volonté. Selon le témoignage d'un autre curé de Schorbach, l'abbé Tousch, ayant assisté à des travaux de restauration, la fosse située à l'intérieur du monument a une profondeur de trois mètres. Cela fait que les ossements sont empilés sur une hauteur de cinq mètres et ont un volmune de 104 mètres cubes (note num. 5).

L'abbé Bour remarque encore que cet ossuaire et la tour de l'église Saint-Rémi présentent la même technique architecturale, celle de l'école rhénane, et qu'ils datent vraisemblablement de la même époque, c'est-à-dire 1150. On ne peut guère douter de la destination funéraire de cette construction. Mais étant donné son originalité et la date de son érection, il est permis de supposer que ce n'est pas un lieu de sépulture ordinaire.

L'ossuaire de Schorbach. L'intérieur de l'ossuaire. Vue intérieure de l'ossuaire. L'intérieur de l'ossuaire.

Le moîne R. Glabren, ayant vécu vers 1050, rapporte qu'après une disette en 1035, les corps des défunts étaient simplement jetés dans une fosse, soit isolément soit par groupes. Nous ne pouvons guère admettre que notre ossuaire soit un tel charnier : les soins donnés à sa construction nous l'interdisent en effet. On pourrait admettre que l'exiguïté du cimetière, entourant l'église et forcé de suivre la forme du plateau où est posée l'édifice, au sommet d'un promontoire rocheux, forçait la population à déterrer ses morts après un certain laps de temps et de leur donner une seconde sépulture, définitive, dans une fosse qu'elle aurait cherché à protéger contre les intempéries par une construction surélevée. Cette hypothèse est d'autant plus admissible qu'à Schorbach en particulier, jusque vers 1860, la translation des restes des défunts de leur tombe à l'ossuaire commun se faisait selon un certain rite et en présence des familles. De plus, le nombre de paroissiens a du être fort important, car Schorbach était le siège d'une très ancienne vaste et paroisse jusqu'au début du XIXe siècle, quand la ville voisine de Bitche, jusqu'alors annexe, deviendra paroisse autonome puis siège d'archiprêtré. Mais il va de soi que ce motif n'est pas péremptoire non plus : le ban de Schorbach est assez vaste et étendu pour que l'on puisse trouver un endroit pouvant contenir toutes les tombes des défunts.

L'intérieur de l'ossuaire. L'ossuaire en 1936. Les ossements amoncellés dans l'ossuaire de Schorbach (photographie de Fabrice Schneider). L'ossuaire vu de droite après les destructions de 1945.

Il nous semble que dans ces considérations, les auteurs n'aient pas vu un point essentiel de la vie religieuse du pays de Bitche : l'existence du Freudenberg, de ce Montjoie situé à proximité immédiate du village de Schorbach, sur les hauteurs surplombant tout à la fois la localité et celle voisine de Bitche. Cette présence suppose incontestablement celle d'une relique importante, et celle-ci devait être abritée en un lieu sûr pour la vénération. Déjà du temps des derniers Mérovingiens, « il était d'usage de réunir plusieurs sépultures dans une même fosse ou dans un monument funéraire, et au besoin de superposer les tombes » (note num. 6). Les sépultures près d'une relique de saint, ad sanctos, répondaient au désir des fidèles d'être ensevelis à proximité d'un corps de saint homme (note num. 7). Des monuments imités des anciens mausolées et martyria autonomes sont ainsi édifiés au Moyen Âge aux abords des églises et de préférence à leur chevet (note num. 8).

Vue intérieure de l'ossuaire en 1945. L'intérieur de l'ossuaire. Un autre visage grimaçant sur une arcade de l'ossuaire. L'intérieur de l'ossuaire.

Nous pensons trouver devant nous un de ces martyria. Les deux masques grimaçants entre les colonnettes de l'ossuaire sont reproduits aux voussures des fenêtres du clocher et ce reproductions, voulues et significatives sans aucun doute, appellent le pélerin qui s'est arrêté au Montjoie, au Mons Gaudii du Bitscherland. À une époque où la mort faisait pleinement partie de la vie de toute la communauté et où les cimetières n'étaient pas éloignés du centre du village vers les abords, ces ouvertures permettaient, à ceux qui passaient autrefois, de voir les os entassés à l'intérieur et de méditer sur le sens de la vie et de la mort, tout en priant pour le repos des âmes des trépassés.

L'ossuaire de Schorbach. L'ossuaire vu de gauche après les destructions de 1945. L'ossuaire de Schorbach. L'ossuaire en 1950.

II. Édifice

Avec la citadelle de Bitche, la Vierge au manteau de Mouterhouse, la pierre des Douze-Apôtres à Meisenthal, ainsi que la chapelle et l'ermitage Sainte-Vérène à Enchenberg, l'ossuaire de Schorbach est sans doute le monument le plus célèbre du pays de Bitche. Ressemblant à une châsse dotée de colonnes toutes différentes, l'ossuaire accueille des ossements entre 1136 et la Révolution française de 1789 dans le cimetière du village. L'ossuaire est classé monument historique par arrêté du 27 novembre 1929.

Souvent daté dans les notices historiques de l'époque romane, l'ossuaire n'est peut-être pas antérieur au XVe siècle selon certains historiens. À la suite de restaurations au début du XXe siècle, il a perdu le pan-de-bois de ses pignons, ainsi que les demi-croupe de sa toiture à deux pans. De style roman, le charmant petit édifice se présente comme un bâtiment allongé, couvert d'un toit à deux versants. La façade antérieure est formée d'une suite de onze arcades en plein cintre, dont les colonnes reposent sur un mur-bahut, un pilier à décor de trilobes étant placé au centre. L'ossuaire abrite encore, sur l'entrave de la cinquième colonne et sur la courbe concave du dernier arc, deux visages grotesques représentant très vraisemblablement des têtes de mort.

L'ossuaire vu de gauche avant la suppression des croix funéraires. Vue actuelle de l'intérieur de l'édifice. L'ossuaire vu de droite avant la suppression des croix funéraires. L'ossuaire et le presbytère de Schorbach.

III. Notes et références

1. PÖHLMANN, p. 123.
2. KRAUS p. 920.
3. BOUR,
1905, p. 86.
4. Témoignages d'anciens habitants recueillis par l'abbé Schwartz et consignés dans l'Annuaire de la Société d'Histoire et d'Archéologie, comme note.
5. Témoignage consigné dans BOUR, Ibid., p. 86.
6. FOURNIER, 1966, p. 57.
7. Id., p. 59.
8. Id., p. 107.

IV. Annexes

1. Bibliographie
2. Liens internes
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