Présents dans la cité bitchoise depuis 1690, les fidèles israélites ont contribué, à des échelles différentes selon les époques, au développement de toute la région. Leur communauté, qui est particulièrement florissante au XIXe siècle, a connu un déclin irréversible le siècle suivant, menant à sa disparition définitive de la ville et du pays de Bitche.
Table des matières
En 1791, alors
que sur les 40000 Juifs vivant en France, 8000 résident en Lorraine,
l’émancipation leur donne l’égalité civile et politique, et leur ouvre
l’ensemble des activités. L’empereur Napoléon Ier promulgue la liberté de culte
et affirme qu’ « un gouvernement sage
protège toutes les religions ». Deux décrets napoléoniens pris en 1808
créent les consistoires, nommés par l’État et composés de laïcs et de rabbins,
et dotent la population juive de noms patronymiques stables. Démarre alors une
période de croissance de la population, de constructions de synagogues –
soixante en Moselle – et d’intégration dans les activités artisanales et
administratives, plus tard industrielles et libérales. La vie communautaire se structure
également. A partir de 1840, la population juive se déplace vers les villes,
mouvement amplifié après 1870 où la possibilité d’option pour
Au XXe siècle,
2. Les premières mentions dans le Bitscherland
La ville de Bitche appartient
successivement au duché de Lorraine, à la principauté de Zweibrücken, puis à
nouveau à
Des indices relevés dans le canton de
Volmunster laissent à penser que des Juifs aient pu fréquenter les villages
de Walschbronn et
Volmunster au cours
du Moyen Âge, sans toutefois d’implantation durable. En effet, malgré l’absence
de toute trace d’occupation juive, que représenteraient une synagogue, un Mikvé, la présence ou bien ne serait-ce
que la trace d’une Mezouzah (lire
la section concernant les objets cultuels pour davantage d’explications),
l’existence d’une rue des Juifs à Volmunster et d’une
Judengasse à Walschbronn est
significative. Les habitants de ces villages semblent tout de même attachés à
ces vestiges toponymiques puisque, après
À Bitche même, les Juifs sont longtemps inconnus, mais ne semblent pas très soucieux de s’installer dans la cité militaire. La première citation écrite faisant état de fidèles israélites présents en ville date de l’année 1760. Il s’agit d’un écrit stipulant que quatorze Juifs originaires de Bitche - plus vraisemblablement du pays de Bitche -, accusés de vol, sont pendus à Nancy. Ce récit, conservé aux archives régionales de Lorraine à Nancy, témoigne bien de la situation de bouc émissaire qui est souvent faite aux pratiquants de cette religion à cette époque. On cite des Juifs installés en ville en 1791.
Sur le ban de la commune de Hottviller, à proximité de l’écart du Kapellenhof, se situe la ferme du Judenhof. Cette bâtisse isolée est citée seulement au XIXe siècle. La tradition raconte qu’elle aurait été construite par un homme de confession juive, dont le nom a été oublié. Celui-ci l’aurait par la suite vendus à un certain Pierre Hoellinger, qui lui-même l’aurait cédé à la famille Bichler en 1921, toujours propriétaire.
Certains osent même affirmer que le bâtisseur
de la ferme serait également celui de la ferme voisine du Welschhof. Ceci n’apporterait aucun
intérêt particulier si cette seconde ferme n’était pas le lieu de naissance
d’Hermann Bickler. Cet Allemand, de confession anabaptiste, deviendra par la
suite avocat à Strasbourg et s’engagera dans la cause autonomiste.
4. Le développement de la communauté après 1870
Pendant la période de l'annexion allemande de 1871 à 1918, la présence d’une importante garnison militaire attire les migrants à Bitche. Suite au siège de la citadelle de 1870-1871 et au développement économique qui en résulte, on assiste à une forte immigration juive, dont la communauté développe le commerce local. Venue des villages de l'Alsace du nord et de l'Allemagne, et plus spécialement des villages de Wœrth, de Westhoffen, de Colmar, de Herrlisheim et de Diemeringen, cette nouvelle communauté développe le commerce par des magasins de vêtements, de tissus, de chaussures et aussi par le commerce du bétail. Elle se distinguera plus tard par des fonctions administratives dans la cité, telle que celle de juge de paix, belle élévation sociale.
Durant cette période de l’annexion, une nouvelle séparation a lieu entre élèves, qui doivent choisir le 1er mai 1800 entre les écoles catholique – dirigée par les Schulbrüder ou Frères des Écoles Chrétiennes - et protestante. Les écoliers israélites de la ville ont quant à eux le choix entre les deux écoles confessionnelles.
5. Les maisons juives de Bitche et Schorbach
Quelques maisons ayant appartenu à différentes
familles juives de Bitche et des environs sont encore visibles aujourd’hui.
Ainsi, la famille Hirsch, dernière famille de confession juive de la ville,
toujours spécialisée dans la confection et la vente de vêtements, a emménagé à
Bitche dans les années
qui ont précédé
La maison située au numéro 18 de la rue du Maréchal-Foch, occupée actuellement par un cabinet de kinésithérapie au rez-de-chaussée, a également été occupée par une famille juive au cours du passé. En effet, la façade de l’immeuble, datant très probablement du début du XIXe siècle, représente au niveau du 1er étage deux têtes d’animaux, celles d’un mouton et d’un bœuf. Cet attribut atypique s’explique par le fait que la famille installée dans cette maison vivait du commerce des bestiaux, profession très généralement attribuée aux Juifs. Ayant réussi leur ascension économique, ses habitants veulent manifester aux yeux de tous, la prospérité due à leur activité professionnelle.
L’imposante maison, située au numéro 17 de la rue de Sarreguemines, à proximité de la synagogue et occupée depuis peu par un atelier de sellerie, est une autre maison d’habitation juive très ancienne. Elle est occupée par l’importante famille Braun jusqu’au milieu des années 1970, date à laquelle Alex Braun, président de la communauté, part faire son Alyah en Israël avec toute sa famille. Cependant, aucune trace de Mezouzah n’est visible à proximité des portes de l’habitation.
6. La première puis la seconde synagogue
Une première synagogue est installée en appartement rue du Commandant-Teyssier. Il s’agit de la maison Meinke, devenue par la suite la mercerie Biache puis l’actuel salon de coiffure Vogt.
La synagogue actuelle, située rue de Sarreguemines, est une maison de particuliers. Propriété au début du XIXe siècle d’un officier de la forteresse, le capitaine Jean-Joseph de Lacrosse, elle est léguée successivement à sa femme de ménage, Marie Megel, originaire de Hanviller, puis au neveu de celle-ci, Balthazar Lehmann, facteur de son état. C’est à ce moment que la communauté israélite en fait l’acquisition, en 1884. Il s’agit d’une maison ordinaire, seule une inscription hébraïque au-dessus de la porte signalant au passant attentif sa fonction religieuse passée.
7. Déclin puis disparition de la communauté
En 1900, le recensement fait état de
3640 habitants pour la cité bitchoise, dont 68 Juifs. Gravement touché par le
départ des Juifs allemands en 1918, la communauté ne se relèvera jamais tout à
fait. En 1938, sachant très bien ce qui se déroule de l’autre côté de la
frontière, toute proche, et peut-être pour conjurer le sort, la communauté
entreprend une rénovation générale de la synagogue, nécessitant 25 000 francs.
En 1939, la communauté, bien structurée, comprend vingt-cinq
familles, un ministre-officiant et une synagogue vivante.
Le dernier ‘Hazan avant
Les populations civiles de la ville
de Bitche sont déplacées dans le département de
Cependant, cette administration par les autorités nazies ne semble pas avoir manifesté de sentiments particulièrement véhéments envers la communauté juive et son lieu de culte. En effet, d’autres synagogues des environs ont été détruites par l’occupant ; ainsi, la synagogue sarregueminoise toute proche est victime des hordes nazies et de leurs complices locaux, du 17 au 19 septembre 1940, qui réduisent le bâtiment en ruines, tout comme celle du village de Frauenberg la même année. Le bâtiment bitchois n’a fait pour sa part l’objet d’aucune dégradation gratuite.
Monsieur Constant Hirsch, dernier
fidèle israélite à habiter Bitche, nous raconte une anecdote s’étant produite
lors de la libération de la ville, le 16 mars
L’évolution démographique de l’après-guerre entraîne la diminution puis la quasi disparition de la population juive, qu’il s’agisse de départs pour raisons professionnelles, de décès ou encore de départs pour Israël. L’arrivée d’une famille d’Algérie, les Lévy-Chapira, demeure une exception, la communauté diminuant d’année en année. Jacques Braun, qui préside cette communauté pendant une trentaine d’années, meurt en 1972. Il est remplacé par Alex Braun, qui démissionne en 1976 pour faire son Alyah. Il restait à cette époque six familles, actuellement, il n’en subsiste plus que deux. Les deux derniers présidents sont Samuel Hirsch et Léon Moock. Depuis les années 1970, il n’y a plus Minyan (le quorum de dix personnes, nécessaire à la tenue d’un office religieux) et le bâtiment qui abritait la synagogue, épargné par l’occupant nazi et qui existe toujours, n’est plus utilisé pour le culte et désaffecté en 1970.
8. Bibliographie